Pionnière du mécénat depuis plus de quinze ans, amatrice d’art contemporain, Corinne BRENET après avoir été membre fondatrice de Mécènes du Sud, en est la Présidente depuis le premier janvier 2011.

Pour cette chef d’entreprise à la tête de la société d’assurances Courtage de France, l’art n’est pas un hobby ou un faire-valoir, c’est une manière de décrypter le monde et ses enjeux. Placer dans une même dynamique l’activité économique, le développement du territoire et la créativité artistique est inévitable pour cette chef d’entreprise qui nous reçoit dans son espace professionnel couvert d’œuvres d’art. N’est-ce pas là le reflet de la relation généreuse, intime et passionnée que cette femme d’engagement entretient avec la culture contemporaine ?

De passionnée à mécène
Au commencement était mon soutien inconditionnel des artistes, je ne cherchais pas à rationnaliser le lien qui pouvait exister entre les deux univers Art et Entreprise. Mon désir se limitait à rapprocher ces deux mondes de façon à les faire coexister dans mon quotidien. Il me semblait naturel, en investissant mon espace de travail de toiles de jeunes artistes, de gommer la césure temporelle qui consistait à penser que les 5 premiers jours de la semaine étaient consacrés à mon métier et les deux derniers jour à mes passions. Les artistes dans leurs partis pris créatifs font bouger constamment les lignes de lecture, aussi la présence d’œuvres de plasticiens, est l’assurance d’une interrogation régulière et une remise en question salvatrice. Il me semble important d’être bousculée voire dérangée par le regard singulier, impertinent, ou corrosif, que peut avoir un artiste sur notre société. Au delà de la réflexion qu’il nous fait partager au travers de son œuvre, il y a cet écho en retour qui vient nourrir notre imaginaire et notre créativité. Aimer l’art du point de vue du mécène c’est aussi souhaiter que cet état de création soit préserver et qu’il continue à se développer sur notre territoire. Il est de notre responsabilité de chef d’entreprise de veiller à préserver un bouillonnement culturel en soutenant les artistes par l’octroi de ressources. C’est à cet endroit que nous devons intervenir face à un désengagement progressif de l’état dans le financement de la culture. Notre Métropole a besoin de ses artistes pour revendiquer une identité culturelle forte, facteur de rayonnement et d’attractivité. Nous aussi, chefs d’entreprise, avons besoin des artistes pour réfléchir et anticiper les formes du monde de demain. Il est important que des initiatives artistiques se développent dans les entreprises, et mon militantisme au sein de l’UPE et de la CCIMP est de favoriser la construction de projets à partir de rencontres artistes-entreprises. La présence d’un artiste dans le quotidien d’une structure, a des effets inattendus sinon merveilleux, preuve en est des résidences d’artiste initiées par des membres de Mécènes du Sud. La rencontre de collaborateurs avec un plasticien en résidence, a été selon les témoignages, un formidable déclencheur de mots et d’émotion. Remobiliser une équipe autour d’un projet innovant comme la résidence, renforce dans une période troublée économiquement, un climat de confiance. D’une manière plus générale, associer les artistes à une réflexion collective, est une façon d’afficher la volonté d’échanger et d’accepter la parole de l’autre.

Vers une défense du mécénat
J’ai commencé, au sein de l’entreprise familiale que je codirigeais, par l’ouverture d’un espace exposition et mon soutien consistait à accompagner les artistes dans la diffusion de leur travail. L’originalité de ma démarche, au début des années 90, était d’accrocher tous les deux mois des œuvres d’art contemporaines bien qu’à cette époque, les œuvres étaient rarement présentées en dehors des galeries. Au cours de ces années, à force de rencontres, de découvertes, de lectures, j’ai vu mon regard changer, évoluer vers une meilleure compréhension des œuvres et des plasticiens. Ce parcours m’a conduit à échanger avec d’autres Mécènes sur les questions qui touchaient à la création, aux artistes, au territoire et à notre responsabilité de chef d’entreprise d’où la naissance de notre collectif mécènes du sud. La pratique du mécénat est protéiforme suivant la taille et la nature de l’activité des entreprises. Le mécénat est plus connu pour être un bras tendu vers des artistes sous forme d’une aide financière mais moins connu pour son soutien possible par l’activation de ses réseaux afin de diffuser des œuvres, mettre à disposition des matériaux ou son savoir faire technique. Ainsi, les artistes qui ont eu recours à des entreprises spécialisées pour réaliser leurs installations nécessitant une compétence technique particulière, se félicitent de cette expérience de proximité, de complicité développée avec les salariés autour de ce projet devenu commun. Cette mise à disposition du savoir a pour effet de grandir d’un côté la fierté des équipes et de l’autre l’image de l’entreprise. Cette expérience de mécénat, ouvre un espace nouveau qui permet de réanimer la valeur travail, la coopération et la solidarité.

La spécificité du territoire
En faisant un axe de travail prioritaire de sa mandature le Président de la Chambre de Commerce, Jacques PFISTER, montre que l’attractivité du territoire doit passer par une offre culturelle riche et dynamique. En effet, le statut de grande métropole européenne ne peut pas reposer sur les seuls soins des indicateurs économiques. Une des particularités du grand Marseille est d’être une terre d’accueil pour les artistes, un territoire ouvert et séduisant par la richesse de sa géographie, de son climat, de son histoire et de sa culture cosmopolite. Il ne faut pas oublier que Marseille porte de l’Orient, attire des artistes de toute l’Europe et de la Méditerranée de façon plus accélérée depuis l’obtention du titre capitale européenne de la culture. C’est bien parce que nous avons l’ambition de soutenir ce vivier d’artistes que nous avons souhaité développer des résidences par l’ouverture d’un lieu Mécènes du Sud.